Une pension de 1500 euros net, c’est très joli, mais…

Une proposition ambitieuse comme celle-ci appelle de nombreuses questions. Et ces questions méritent une réponse. Le spécialiste pensions du PTB, Kim De Witte, est là pour ça. Ci-dessous, vous trouverez déjà les réponses aux questions les plus fréquemment posées.

Comment allez-vous le payer ?

Reponse :

Une pension minimum à 1500 euros net coûtera 2,8 milliards d’euros. C’est tout à fait faisable. C’est avant tout un choix politique.

D’abord, les partis traditionnels font des choix qui coûtent beaucoup plus cher à notre sécurité sociale.

  • Le tax shift du gouvernement Michel coûte 3,6 milliards d’euros par an à la sécurité sociale. Si ça, c’est finançable, pourquoi pas la pension minimum à 1 500 euros net ?
  • Le gouvernement Michel s’était solennellement engagé à faire payer aux multinationales 7,5 % d’impôts sur leurs bénéfices. À l’heure actuelle, elles n’en paient encore même pas 6 %. Augmenter le taux minimum d’imposition pour les multinationales à 7,5 % pourrait rapporter près de 3 milliards d’euros à l'État. Pourquoi un régime fiscal équitable ne serait-il pas possible ?
  • En France, en Autriche, au Danemark, en Suède ou encore au Portugal, le budget consacré aux pensions des travailleurs est 25 %, voire 50 % plus élevé qu’en Belgique. Pourquoi n’y aurait-il pas chez nous de quoi financer nos pensions ?
  • En 2008, le gouvernement a trouvé 24 milliards d’euros pour sauver les banques, ce qui a ramené la dette publique à plus de 100 % du PIB de notre pays. C’est un choix que nous remboursons encore aujourd’hui. Mais il serait impossible de trouver 2,8 milliards d’euros pour que tout le monde bénéficie d’une pension lui permettant de vivre dignement ?


Ensuite, nous proposons trois mesures concrètes destinées à financer les 2,8 milliards nécessaires pour augmenter la pension minimum à 1 500 euros:

  • Nous voulons aller chercher 1 milliard d’euros auprès des grandes fortunes. Taxer les millionnaires à raison de 1 % rapportera 8 milliards d’euros, dont une partie servira à augmenter les pensions.
  • Chaque année, plus de 30 milliards d’euros s’envolent vers des paradis fiscaux. Nous trouverons 1 milliard d’euros supplémentaire en nous attaquant sérieusement à la fraude fiscale de grande ampleur et à l’évasion fiscale.
  • Enfin, davantage d’emplois décents assortis de cotisations sociales correctes rapporteront encore 1 milliard d’euros. Le Bureau fédéral du Plan estime que les exonérations et les cadeaux faits aux grandes entreprises s’élevaient en 2018 à 16,02 milliards d’euros. 16,02 milliards d’euros qui, au lieu d’alimenter la sécurité sociale, ont fini dans les poches des actionnaires. Nous voulons réinvestir une petite partie de cet argent pour augmenter les pensions.

Pensez-vous vraiment pouvoir l’obtenir ? Peut-on gagner ?

Reponse :

 

Toute notre sécurité sociale est le fruit d’une conquête des travailleurs. Rien ne nous a été offert : ni les congés payés, ni la semaine de 40 heures, ni l’assurance-maladie, ni les allocations de chômage. Cette pension minimum à 1 500 euros, nous l’obtiendrons grâce à la lutte sociale.

Ces dernières années, c’est la rue qui a mis à mal la pension à points et la redevance TV, par exemple.

Quatre Belges sur cinq sont favorables à la proposition de loi pour une pension à 1 500 euros, ce qui représente un soutien énorme. En fait, ce sont surtout les politiciens traditionnels qui touchent eux-mêmes 4 000 euros de pension qui sont réticents à ce projet. Nous allons donc exercer une pression populaire grâce à des actions et en obtenant 250 000 signatures pour déposer notre proposition de loi.

Une maison de repos ou ma maison coûtent plus de 1 500 euros. N’est-ce pas trop peu ?

Reponse :

C’est vrai, les prix des maisons de repos restent extrêmement élevés. Trop élevés. Le PTB réfléchit à la pension de manière globale. Ainsi, parallèlement à l’augmentation de la pension minimum, nous voulons renforcer la pension de tous les travailleurs, en la calculant sur une base de 75 % du salaire moyen au lieu de 60 %, comme c’est le cas actuellement. Nos pensions restent les plus basses d’Europe occidentale et rien ne le justifie. Nous voulons aussi intervenir sur les prix des maisons de repos en exigeant que la facture maximum ne puisse jamais être supérieure à la pension de la personne concernée.

Combien de temps faut-il avoir travaillé pour obtenir la pension à 1 500 euros ?

Reponse :

40 ans. Les hommes et les femmes ont le droit de bénéficier d’une pension de 1 500 euros net au bout de 40 ans de travail.

Les gens qui ont peu ou pas travaillé durant leur vie toucheront-ils aussi 1 500 euros ?

Reponse :

 

Non. Nous voulons que toute personne qui a travaillé 40 ans (périodes assimilées comprises) bénéficie au minimum de 1500 euros net de pension.

Les périodes de maladie, de chômage ou de crédit-temps pour s’occuper des enfants, des parents ou de la famille sont comptabilisées dans le calcul des droits à la pension. C’est ce que l'on appelle les périodes assimilées et nous n’allons bien évidemment pas les supprimer.

Pour le reste, quelqu’un qui a travaillé 20 ans aura droit à 20/40 x 1 500 euros = 750 euros net de pension minimum. Quelqu’un qui a travaillé 30 ans aura droit à 30/40 x 1 500 euros = 1 125 euros nets de pension minimum.

Par ailleurs, nous voulons également augmenter toutes les prestations minimales (pour les personnes âgées, malades, handicapées, pensionnées, etc.) au-dessus du seuil de pauvreté européen. Cette revendication se trouve dans notre programme.

Ces 1 500 euros nets sont aussi valables pour les indépendants ?

Reponse :

Oui. Nous voulons garantir une pension minimum de 1 500 euros aussi pour les petits indépendants au bout d’une carrière de 40 ans. Le montant sera calculé de la même manière que pour les salariés.

La pension minimum à 1 500 euros ne vaut-elle que pour les gens ayant une carrière complète ? Si j’ai travaillé moins qu’une carrière complète, je ne reçois rien ?

Reponse :

Non. 1500 euros net correspond au montant minimum que nous demandons pour toute personne ayant travaillé 40 ans. Aujourd’hui, la carrière complète est de 45 ans. C’est donc plus large que la simple carrière complète.

Évidemment, nous voulons prendre en compte et préserver ce qu’on appelle les périodes assimilées : maladie, chômage ou crédit-temps pour s’occuper des enfants, des parents ou de la famille…

D’autre part, cela ne veut cependant pas dire que si l’on n’a pas 40 ans de carrière (période assimilées comprises), on ne bénéficiera pas de cette réforme. Même avec une carrière moindre, votre pension serait plus élevée, car les 1 500 euros entreront en compte dans le calcul de celle-ci. Par exemple, quelqu’un qui a travaillé 20 ans aura droit à 20/40 x 1 500 euros = 750 euros net de pension minimum. Quelqu’un qui a travaillé 30 ans aura droit à 30/40 x 1 500 euros = 1 125 euros nets de pension minimum.

Pourquoi faut-il indiquer sa date de naissance et son adresse pour signer ?

Reponse :

Nous allons déposer officiellement la proposition au Parlement. Celle-ci doit être soutenue par au moins 25 000 personnes. Le Parlement demande à cet effet également la date de naissance et l'adresse en plus de la signature.

Qu'est-ce qu'une loi d'initiative citoyenne ? Pourquoi le PTB ne dépose-t-il pas lui-même une proposition de loi ?

Reponse :

En 2014, le PTB a eu ses premiers élus au parlement fédéral. En 5 ans, ils ont déposé 47 propositions de loi. Parmi celles-ci, plusieurs bénéficient d’un large soutien dans la population, comme la taxe des millionnaires (soutenue par 85 % des Belges), le retour de la pension à 65 ans, ou encore celle pour relever les allocations au-dessus du seuil de pauvreté. 

Mais, sur ces 47 propositions de loi, une seule a été discutée. Enfin, discutée… Elle a été mentionnée pendant quelques secondes lors d’une commission, pour être rangée par les partis de droite au fond d’un tiroir. 

Pour nous, c’est clair : si l’on veut forcer les partis traditionnels à instaurer la pension minimum à 1500 euros, il faut instaurer un rapport de force en mobilisant un maximum de gens. Les partis de droite et le patronat ne veulent pas en entendre parler, et les députés des partis qui l’ont promise durant la campagne électorale risquent bien de l’« oublier », surtout quand on sait qu’eux-mêmes sont sûrs de toucher 4 000 euros de pension…

C’est pourquoi nous voulons récolter 250 000 signatures pour une loi d’initiative citoyenne.

La loi d’initiative citoyenne existe depuis mai 2019. Elle permet à des citoyens, des gens qui ne sont pas élus, de pouvoir officiellement déposer une proposition de loi au Parlement s’ils récoltent le nombre suffisant de signatures. Leur proposition est alors obligatoirement discutée en commission au parlement. 

Pour le PTB, il s’agit donc d’une bonne manière de donner la parole et le pouvoir aux gens et de mettre la pression sur les partis traditionnels.

Y a-t-il une différence entre hommes et femmes ?

Reponse :

Non. Le PTB veut la même réglementation pour les hommes et pour les femmes. La pension minimum à 1500 euros net après 40 ans de carrière permet de faire un pas en avant vers l’égalité. En effet, à l’heure actuelle, plus d’une femme sur deux ne touche même pas 1 000 euros par mois de pension. Il est donc plus que temps d’augmenter les pensions des femmes.

Qu'en est-il des gens qui souffrent d'une maladie chronique ou de handicap ?

Reponse :

Les périodes assimilées actuelles restent des périodes assimilées. Nous ne changeons rien à cela. 

De quoi s’agit-il ? Les périodes assimilées sont les périodes où l’on ne travaille pas mais qui sont quand même comptabilisées dans le calcul de la pension. Il s’agit notamment des périodes de chômage reconnu, de maladie, de crédit-temps pour s’occuper des enfants, des parents ou de la famille.

Par exemple, quelqu’un qui  a cotisé pendant 35 ans et est ensuite malade pendant 5 ans totalise 40 années de carrière (35 années effectives et 5 années assimilées). 

En ce qui concerne les personnes avec un handicap, il y a deux cas différents. 

1) Si le handicap résulte d’un accident de travail, le reste de la vie et de la carrière compte comme une période assimilée. La pension est alors calculée sur la base du dernier salaire perçu avant l’accident de travail ayant causé le handicap. 

2) Si le handicap est de naissance ou a une cause autre qu’un accident de travail, il ne s’agit pas d’une période assimilée. Si vous ne pouvez pas travailler, vous touchez une allocation d’invalidité. Et, à la pension, vous avez droit à une allocation de garantie de revenus. Il ne s’agit donc pas ici d’un droit à la pension en tant que tel. 

En revanche, ces allocations sont honteusement basses. Aujourd’hui, être handicapé rend souvent pauvre. C’est inacceptable, et c’est pourquoi nous voulons augmenter ces allocations au-dessus du seuil de pauvreté. 

Ne faut-il pas aussi instaurer une pension maximum ?

Reponse :

Oui, nous sommes également pour une pension maximum. Dans notre sécurité sociale, il y a une logique d'assurance. On paie des cotisations sur son salaire et on acquiert des droits sur ce salaire. Nous ne sommes donc pas pour une même pension pour tous, tout comme nous ne sommes pas pour un même salaire pour chacun. Mais les écarts doivent rester dans des limites raisonnables.

Nous voulons une pension digne de minimum 1 500 euros nets et une pension maximum de deux fois la pension minimum, c'est-à-dire 3000 euros nets. Qui dépasse ce montant aujourd’hui ? Pas les indépendants et les salariés, qui touchent maximum 2390 euros brus, soit environ 1700 à 1800 euros nets.

 Les ministres, les députés, les diplomates ou encore les hauts magistrats… Et si c’était à leur tour de faire un petit effort ?

Qu'en est-il des actuels tarifs sociaux sur les petites pensions ?

Reponse :

On paie une cotisation de solidarité et une cotisation pour l'Inami sur sa pension. La cotisation de solidarité augmente avec le montant de la pension. La cotisation Inami est la même pour tout le monde (environ 3 %). Nous ne sommes pas pour la suppression de ces cotisations, mais bien pour une pension minimum d'un montant net - donc après le paiement de ces cotisations - de 1 500 euros.

S'il faut encore payer des impôts sur ces 1500 euros, restera-t-il suffisamment ?

Reponse :

Non. Nous voulons instaurer une pension minimum de 1 500 euros nets, c’est-à-dire après impôts.

Qu'est-ce qui change pour moi si je suis déjà pensionné ?

Reponse :

Si, selon Mypension.be, vous avez actuellement une pension inférieure à 1 500 euros nets et que vous avez travaillé au moins 40 ans, votre pension sera augmentée à 1 500 euros nets.